Sento - 1
Le onsen, bain thermal japonais. Tout comme le karaoke, je n'étais pas très chaud à l’idée d'essayer. C’est donc sans surprise si je vous dis que c’était à reculons la première fois, il y a déjà presque 4 ans de cela. Voyez-vous, l'idée de me retrouver tout nu avec des membres de ma belle-famille ne m'apparaissait pas tout à fait séduisante. Puis il y avait l’imagination aussi qui en remettait, du genre "et si le gaijin du onsen devenait l'attraction de la journée"? Bref, ce n’était pas l’idée d’être nu parmi des étrangers, mais être l’étranger nu! Après les tergiversations d’usage je me suis finalement laissé tenter par l'expérience.
L’initiation s’est produite à Tochigi, après une longue journée passée sous le soleil chaud, des heures de plaisir à jouer à l’apprenti-fermier. La fatigue du labeur, les vêtements couverts de poussière, quelques couches de sueur sur la peau, l'expérience tombait donc à pic.
Et le verdict ne s’est pas fait attendre très longtemps: J'ai a-d-o-r-é.
Et avec le temps c’en est même devenu un engouement qui en étonne plus d’un.
Maintenant je consulte périodiquement mon calendrier afin de déterminer la prochaine occasion propice à l’expérience. Toutefois, un peu las d’attendre ces journées qui se font de plus en plus rares, j’ai commencé à fréquenter les sento -bains publics japonais. Le sento diffère du onsen puisque sa source d’eau n’est pas d’origine volcanique et minérale, mais plutôt du Tonegawa frappé (provenance de l’eau potable d’Edogawa-ku). Par contre, il y a des sento hybrides (bain public et onsen) comme on le retrouve au "Tsuru no yu" dans Funabori 2 chome. On reconnaît généralement le sento par sa longue cheminé solitaire au milieu d'un quartier d'habitations, son architecture de petit vieux château style Edo, et aussi par un pictogramme vapeur ou le kanji "yu" à l’entrée.
Le sento jouait un rôle majeur à l’époque dans le quartier. On y allait évidemment pour se laver, pour l’hygiène, mais c’était aussi un lieu de socialisation et de consolidation communautaire. Il y avait des rituels de purification et toute une symbolique s’y rattachant. Aujourd’hui la tradition japonaise des bains publics est en voie de disparition. Progrès à l’occidental oblige, les maisons d’aujourd’hui possèdent leur propre baignoire. La fréquentation de ces lieux est donc en constante baisse. Malgré les vagues de fermetures, il reste encore plusieurs établissements de ce genre à Edogawa-ku. On en compte environ une cinquantaine sur le territoire et on les retrouve principalement au nord de la Shinkawa. Bref, les vieux quartiers. Parfois il y a des campagnes de sensibilisation pour inciter les gens à découvrir ces lieux car la clientèle se fait vieillissante. A Minami-kasai, quartier plus moderne, on retrouve un supersento: la version récente et Cadillac du petit sento de quartier (supersento Yusho Kasai).
Les cheminés des sento crachent leur "boucane noire" vers 2 ou 3 heures de l’après-midi. C’est à ce moment qu’on active la chaufferie (kamaba) afin de chauffer l’eau. Pendant le jour ce sont les vieux qui s’approprient surtout l’endroit. Le soir la clientèle est plus diversifiée: travailleurs de construction, salarymen et… ah oui j’oubliais, et il y a aussi parfois des "gens avec des tatous". Généralement bannis des onsen, les petits sento de quartiers les tolèrent (du moins ceux que je fréquente).
Et on fait quoi là-dedans? Eh bien ce n’est pas très compliqué on se lave, puis on relaxe. On relaxe surtout! Quoi de mieux pour évacuer le stress? Moi j’y vais rarement seul, toujours plaisant de parler de tout et de rien avec un collègue. Ces établissements sont généralement petits, quelques bains sans plus. Même que celui près de la station Kasai, Naka no yu, il n’y a qu’un seul bain. Par contre, le sento "Akebono" dans Funabori 3 chome est plus vaste et occupe deux étages. Bien souvent l’eau est très chaude pour ne pas dire bouillante, du genre pas capable de rester plus d’une minute dans le bain (au "Naka no yu" notamment). On en ressors le corps haut-bas vanille-fraise. Les "ojisan" eux ne semblent pas s'en faire.
"Dis beau-frère, cette eau, pourquoi une telle chaleur"?
"shitamachi people like hot water".
"Un grand merci pour cette réponse éclairante".
Rien n’empêche, c’est lorsque qu’on retourne dans le vestiaire que la magie s’opère. L’exaltation même! Voilà le ventilateur qui s’active et qui rafraîchit, première étape du renouveau. Puis on se dirige à l’extérieur tout en ayant l’impression d’être une nouvelle personne, un feeling enivrant bien difficile à battre. Et hop là un p’tit tour à la buvette ou au conbini pour caller une Kirin ou Asahi, quelques gorgées et un retentissant "ahhhhhhhhhhhhhhhh"! Le bonheur, sans blague.