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Un gars à Edogawa
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16 mars 2012

16 mars 2011 - La psychose

nuclear_scream

Le matin j'ai remarqué une présence policière accrue dans les rues à Edogawa-ku. Je ne sais pas si c'était de même partout à Tokyo à ce moment-là. Tout le monde portait un masque, et moi aussi j'ai vite accouru à une pharmacie près de la station Kasai afin de m'en procurer. Note: c'était aussi la période des allergies.

Les Japonais me regardaient drôlement dans le train. Ce n'était pas des regards réprobateurs, plutôt des regards légèrement surpris. J'étais supposé de fuir ou quoi? Il régnait une atmosphère tellement étrange, je me suis posé plusieurs questions. Plus on pensait à cet ennemi invisible le nucléaire, plus on devenait fou.

Avant d'aller au travail j'ai aussi fait un tour au konbini afin de prendre de quoi à manger. Les tablettes étaient vides, alors on prenait ce qui restait. J'ai mangé toutes sortes de onigiri bizarres au fil des jours!

Le phénomène flyjin ne cessait de prendre de l'ampleur, de même que le casse-tête logistique au travail. Tranquillement une dichotomie nous-eux a divisé les gaijin: "nous" -ceux qui restaient au Japon, ceux qui n'avaient pas succombé à la panique versus "eux", les flyjins - ceux qui paniquaient, fuyaient, et abandonnaient. Au travail j'ai toujours expliqué que les contractuels étaient comme des mercenaires. Hors dans une situation pareille ça valait ce que ça valait, donc je n'ai pas été surpris par leur réaction, ni même offusqué d'ailleurs. Toutefois des rumeurs ont commencé à circuler à propos d'employés à temps plein qui prenaient la poudre d'escampette également. Dès lors la méfiance s'est installée chez les chefs d'équipe. Certains planifiaient leur fuite en cachette. Qui était pour être le prochain traître?

En passant vous en voulez des histoires de lâches? J'en connais même qui se sont enfuis seuls et qui ont laissé leur famille au Japon! Comme on dit dans les tribunes sportives, c'est dans ces situations qu'on séparent les hommes des enfants. La poussière est retombée depuis, mais le sujet demeure toujours un peu sensible. Il y a plusieurs personnes auxquelles je n'ai plus aucune confiance et dont je me méfis grandement, même aujourd'hui. Dans l'armée on nous expliquait souvent "qu'un crosseur dans les barracks étaient aussi un crosseur sur le champ de bataille". Ce principe s'applique partout.

Fly-jin-Never_Forget

La machine à rumeurs allait bon train, j'en ai vu et entendu de toutes les couleurs. Par exemple il y avait un p'tit comique qui se donnait des allures importants et qui prétendait posséder des informations confidentielles quant à la crise de Fukushima. Par contre monsieur n'était pas très loquace lorsqu'on l'invitait à partager ces dites informations. Pourtant nous étions tous désireux de s'abreuver de ses connaissances! Espèce d'idiot. Il y en avait plusieurs comme ça. Les amateurs de théories de complots s'en donnèrent à coeur joie. Il y en a beaucoup qui ont voulu vivre leur 15 minutes de gloire lors de cette crise (les clowns sur Youtube). Curieusement, ceux qui possédaient des diplômes en science physique et qui avaient de réels connaissances dans la matière ne semblaient pas trop inquiétés par la situation. C'était déjà ça de rassurant.

Evidemment ma famille et moi n'étions pas insensibles aux événements. Il fallait penser d'abord et avant tout aux enfants. Ma femme et moi discutions de la chose, et je peux vous dire que ce n'était vraiment pas facile. Sans aucun doute ce furent des moments très angoissants pour de nombreuses familles au Japon. Quant à nous retourner au pays était la dernière et ultime option. Ce n'était pas le genre de décision qu'on pouvait prendre sur un coup de tête. Il fallait trouver une solution temporaire pour commencer. On finirait bien par avoir une meilleure idée de la situation. 

Comme bien des gens j'ai donc passé beaucoup de temps à faire des recherches sur le Web. En résumé les médias japonais disaient qu'il ne fallait pas paniquer tandis que les médias occidentaux disaient le contraire. Il fallait essayer de démêler le vrai du faux dans la mesure du possible, ou plutôt le vraisemblable de l'invraisemblable. Certains blogues et Twitter surtout furent très utiles dans ces moments. Note: on reparlera des médias sociaux plus tard.

Néanmoins nous étions quand même préparés au pire. En effet, notre voiture était remplie d'essence et de vivres au cas où. Je crois que même beaucoup de Japonais ont fait pareil.

JPquake - Home of the Wall of Shame and more...

Demain: Blackout?

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